Étiquette
Installation, performance - 2023
Étiquette est une œuvre intime et identitaire. C’est aussi une œuvre évolutive constituée d’une installation et d’une performance longue durée.
Par l’installation, le médium sonore, la vidéo et la performance, j’explore dans mon travail la perception d’autrui sur mon identité. Avec Étiquette, j’ai porté mon attention sur la symbolique entourant l’étiquette de vêtement pour créer un parallèle avec l’étiquette que l’on pose sur « les autres » en fonction de la perception de leur apparence.
Depuis 2020, je collecte quotidiennement mes propres cheveux que j’accumule et classe dans de petits contenants. Par la technique du feutrage à l’aiguille, je compacte ces fibres capillaires pour écrire des mots, des expressions, qui témoignent des enjeux qui me touchent.
J’écris en lettres de cheveux comme on signe avec son sang. Toute moi est contenue dans cette fibre, autre signe distinctif, après le pigment de ma peau, par lequel on me saisit pour me renvoyer à des territoires et des cultures auxquels je ne me sens pas appartenir.
Je suis une diasperdue
Je fais dire autre chose à mes cheveux que ce qu’on en présume
Je donne à lire à même la substance qui aveugle
Je me nomme en modelant ce qui m’altérise
Chaque coup d’aiguille à feutrer est ressenti comme une douleur et un soulagement.
Chaque coup d’aiguille est à la fois la blessure et la réponse à toutes les altérisations.
La répétition du geste de piquer dans la fibre, ancrée dans l’action du feutrage, me rappelle d’abord les micro-agressions vécues en tant que femme à la fois originaire de Matane et afrodescendante, mais aussi l’effort soutenu que je dois produire pour m’insérer dans le tissu social. Pour pouvoir dire : moi aussi je suis contenue dans Nous. Tout entière.
La fibre de mes cheveux est feutrée à même une vieille nappe blanche de ma grand-mère. Soigneusement entretenue, lavée, frottée, pressée, repassée, pliée, par mes tantes, ma mère, ma grand-mère et mes arrière-grand-mères. Nous y avons maintes fois déposé nos couverts, nos coudes, nos avant-bras, nos mains, nos doigts, nos postillons. Elle s’est frottée à nos cuisses, nos genoux, a côtoyé les serviettes qui essuyaient la commissure de nos lèvres.
Elle est ma famille gaspésienne.
Dans laquelle je détonne.
Dans laquelle je m’inscris.
J’ai voulu cette œuvre évolutive, particulièrement en ce qui concerne les consignes d’entretien (en anglais care, que je me suis amusée à traduire par sollicitude), parce que de savoir comment on veut être traitée prend du temps. On se prend parfois plusieurs coups avant de pouvoir et de savoir s’affirmer.
La performance se fait en salle d’exposition (par exemple lors du vernissage). Assise à une table, munie d’outils de feutrage à l’aiguille, je feutre avec mes propres cheveux les consignes au verso de l’œuvre, de sorte qu’elles apparaissent de façon évolutive, au fil des moments de présence devant public.